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Les Amis du Forum Antique de Bavay

19 août 2014

Voix du Nord - 11 août 2014 - Un Bavaisien a exhumé les mémoires d’un Poilu de l’Avesnois

Un Bavaisien a exhumé les mémoires d’un

Poilu de l’Avesnois

Publié le 11/08/2014

Par JULIEN CASTELLI

C’est un document unique que le Bavaisien François Duriez a déniché par hasard lors d’une vente aux enchères. Un petit carnet de notes contenant un témoignage manuscrit du siège de Maubeuge d’août 1914, par le 1re classe Paul Bacquart. Le récit que nous en faisons constitue le premier volet de notre série « Les petites histoires de la Grande Guerre ».

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Un almanach d’une quarantaine de pages, au papier jauni par le temps et noirci au crayon de bois par un Poilu de l’Avesnois, le soldat Paul Bacquart. C’est ce qu’a acheté François Duriez contre « quelques dizaines d’euros » à la fin de l’année dernière lors d’une vente aux enchères à Dunkerque. Noyé dans l’anonymat d’une caissette, au milieu de plusieurs ouvrages consacrés à l’histoire locale, ce carnet noir anodin n’a pas tout de suite attiré l’attention du Bavaisien : « Comme il avait une reliure moderne, je ne me doutais pas qu’il s’agissait de quelque chose d’ancien. » Mais quand il s’y intéresse de plus près, il découvre qu’il vient d’acquérir un petit trésor qui dormait depuis des années dans une bibliothèque.

Celle de Maurice et Jeannine Bacquart. Le décès de Jeannine en décembre 2012, qui fait suite à celui de Maurice en 1991, provoque l’exhumation des archives familiales. Le couple, qui vivait dans le Dunkerquois, n’a pas eu d’enfant. Et c’est par l’entremise d’une vente aux enchères que François Duriez a pu « hériter » du document.

Écrit en captivité

Celui-ci évoque les mémoires de guerre du soldat Paul Bacquart, père de Maurice, affecté il y a cent ans tout rond dans la 12e compagnie du 145e RI, un régiment qu’ici dans l’Avesnois, on ne présente pas. Fait prisonnier par les Allemands au camp de Sennelager, Paul Bacquart profite de sa captivité pour raconter le siège de Maubeuge tel qu’il l’a vécu, de la protection du fort de Boussois à la reddition sur la place d’armes maubeugeoise. Trente-six jours de résistance, conclus par le transfert dans un camp allemand.

C’est ce court pan de sa vie que Paul Bacquart a choisi de raconter, et non sa captivité. Il s’est procuré ce livret en Allemagne, probablement à l’intérieur du camp. À la marge en effet, des informations pratiques telles que le calendrier, la taxe d’affranchissement, le calcul de l’impôt sur le revenu ou la notice relative aux correspondances postales en temps de guerre sont rédigées dans la langue de Goethe.

Devoir d’archiviste

Cent ans plus tard, François Duriez souhaite archiver ce fragment d’Histoire en le faisant publier en intégralité par la société archéologique d’Avesnes-sur-Helpe. Pour que l’Avesnois n’oublie pas l’engagement du soldat Bacquart.

Nous remercions François Duriez et Jean Schwartz (qui a transcrit le manuscrit) pour leur aide précieuse.

Extraits

« La tête haute »

Paul Bacquart a principalement œuvré pour la défense du Fort de Boussois. Ses écrits témoignent d’une activité intense, mais aussi de son impuissance face aux canons allemands. Des éléments qui plaident en la faveur du général Fournier. Ce dernier s’était vu reprocher un certain dilettantisme dans la défaite et avait été traduit devant un conseil de guerre. « Paul Bacquart aurait pu participer à décharge au procès du général », avise François Duriez. Joseph Anthelme Fournier n’eut pas besoin du témoignage du 1er classe Bacquart, puisqu’il fut finalement acquitté.

Les combats

« Dimanche 30 août. Au petit jour et par un brouillard épais, nous prenons à travers les pâtures et à pas de loup, la direction des canons allemands, résolus à enlever ceux-ci à la baïonnette (...) Nous voyons passer une cinquantaine de territoriaux et des artilleurs (...) complètement démoralisés nous disant que le fort de Boussois était anéanti (...) Apprenant que c’était le tour de la 12e, (le commandant Chaillot) dit à notre capitaine à peu près ces mots : partez reprendre le fort, et en parlant ainsi il poussa un soupir et avait les larmes aux yeux car il croyait envoyer le capitaine et sa compagnie vers une mort certaine (...) Les obus et les shrapnels ne cessaient de tomber autour de nous et la position était intenable. Sept ou huit hommes de la compagnie furent blessés et peu après, un obus tombait sur le casernement, abattit un pan de mur et j’ai reçu là une brique sur la main (...).

Lundi 31 août (sur la route de Grand-Reng, en Belgique). J’entends deux mitrailleuses crépiter près de moi (...), nous croyons être soutenu quand tout à coup nous nous apercevons que les balles nous fauchent (...) Je me plaçais dans un trou d’obus pendant un quart d’heure pendant que les autres se repliaient (...) Dans la plaine et autour de nous, ce ne fut que morts et blessés (...) En arrivant au cantonnement, une grave nouvelle : c’est que notre brave capitaine était tombé sous les balles ennemies. Ce fut pour moi un grand émoi car je l’estimais d’autant plus qu’il s’était toujours montré bon et brave envers nous. »

La reddition

« Lundi 7 septembre. Le long du canal près d’Hautmont, nous voyons bientôt les drapeaux blancs flotter sur Maubeuge et sur l’église d’Hautmont et malgré les coups de canon que nous entendons encore de temps en temps, nous comprenons que la place s’est rendue.

Mardi 8 septembre. Nous partons sur la place de Sous-le-Bois où nous devons déposer les armes (...) Aussitôt la porte de Mons passée, nous voyons des officiers prussiens et un grand nombre de soldats qui s’apprêtent à faire leur entrée en ville. Nous défilons au milieu de ces soldats la tête haute et en les regardant bien en face. »

Qui était Paul Bacquart?

Dans ses mémoires, Paul Bacquart ne parle pas de lui. Il décrit ce qu’il voit, ce qu’il vit pendant ces longues heures passées face à l’ennemi. Difficile d’en savoir plus sur l’homme qu’il était. Une à deux phrases seulement nous mettent sur la piste. « En passant à Louvroil, raconte-t-il en date du 28 août 1914, j’ai pu voir quelques habitants de Dourlers qui étaient venus se réfugier en voyant les Allemands arriver dans notre beau village de Dourlers. »

Il a survécu à la guerre

Dourlers, lieu de naissance d’un certain Maurice Bacquart, nous apprennent les registres de la commune. Né le 7 décembre 1920, d’une mère répondant au nom de Léona Billiot et d’un père prénommé… Paul. Cet acte de naissance est la preuve que Paul Bacquart a survécu à sa captivité, qu’il n’avait pas racontée dans ses mémoires (1). S’il n’est pas né à Dourlers, il n’y est pas mort non plus, constate-t-on devant l’absence d’informations concernant son état civil dans les archives dourlésiennes. Mais il avait de sérieuses attaches avec le village. Il y a vécu, avant et après la guerre, exerçant la profession d’horloger.

Sa descendance a ensuite émigré dans le Dunkerquois. Maurice s’est marié à Dunkerque en 1961 avec Jeannine Elleboode. Et c’est suite au décès de cette dernière que le manuscrit de Paul Bacquart a refait surface.

De son vivant, Maurice Bacquart fut l’archiviste bibliothécaire de la Société dunkerquoise d’histoire et d’archéologique. Il ne soumettra pas les mémoires de son père, estimant manifestement qu’elles n’intéresseraient pas le Dunkerquois.

1.- Le récit de Paul Bacquart s’achève à la dernière page de son livret. Aurait-il raconté la suite des événements s’il avait eu d’autres pages à remplir ? Peut-on en déduire qu’il n’a pas pu se procurer un deuxième livret ? On ne le saura sûrement jamais.

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18 août 2014

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